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Nouveautés Publié le 25 octobre 2023

La transition numérique, moteur de l'innovation

Et si l’innovation changeait de paradigme… le monde en serait transformé. Et si innover ne permettait pas à une entreprise seule de se démarquer, mais fédérait une profession toute entière autour d’une seule et même cause : sauver la planète ? Un idéal qui semble bien éloigné de la quête de performance d’un monde qui en veut toujours plus. Alors simple utopie ? Pas sûr!

  • Chez Bugis

Fédérer pour mieux avancer

Fibres intelligentes, textiles connectés, tissus à fonction ont bouleversé le marché de l’habillement. Certes. Mais l’innovation, celle qui révolutionne les habitudes et améliore les process, se fait attendre. « Depuis la création des fibres synthétiques, le monde du textile n’a pas vraiment bougé. Car oui, la notion même d’innovation a changé. On revisite des technologies qui existent ou ont existé dans le passé et qu’on adapte, soit à des critères industriels, soit à des nouvelles notions de confort. Il est urgent d’innover ! », alerte Bruno Nahan, PDG de Bugis et président de la Fédération de la maille, de la lingerie et du balnéaire. A moins d’être né pour et par l’innovation, et de le clamer haut et fort jusque dans son nom – comme l’entreprise italienne Innova Fabrics – c’est donc bien le curseur qui se déplace.

Mais jusqu’où peut-il – ou faut-il – le déplacer ? Le dentellier allemand Chanty a sans aucun doute la meilleure réponse aujourd’hui. En entrainant dans son sillage les entreprises qui cherchent à digitaliser leurs collections, Chanty fait un pas de géant vers le zéro déchet. En janvier dernier, Chanty révolutionnait la traditionnelle présentation de ses collections en robrack et dévoilait la toute première e-collection après des mois de recherche et de mise au point. « Quand on réalise que sur 100 dessins présentés, il s’en vendra 20 ou 30 maximum. 70% de nos collections partent à la poubelle. Pour chaque dessin créé, c’est 2000 mètres de tissus qu’il faut produire pour les robracks. Le calcul est simple : 10 dessins égalent 20 000 mètres de dentelles. Je vous laisse imaginer les quantités de matières mais aussi d’énergie qui sont gaspillées. Juste pour montrer des dessins », insiste Zoya Rutskaya Sebek, directrice de la transformation chez Chanty. En moyenne sur une vingtaine de dessins sélectionnés par un client, marque de lingerie ou de corseterie, 3 maximums entrent en collection. La digitalisation des collections n’a de sens que si l’ensemble de la profession, producteurs de matières et d’accessoires, et les confectionneurs adoptent la numérisation. Et limitent la production physique aux seuls échantillons et modèles retenus. A la clé, des collections ‘zéro déchet’ et un gain de temps précieux avec une production réduite à une ou deux semaines.

Le digital, simple outil de communication ?

Pour monter son nouveau département « digital », 3D LAB CHANTY, Zoya Rutskaya Sebek a recruté des pointures, cinq spécialistes des jeux vidéo, du graphisme, de la maroquinerie. « Nous avons bâti en deux ans une vraie compétence. Maintenant il nous faut éduquer et fédérer toutes ces professions qui ont des idées mais qui sont trop dispersées. C’est un véritable travail que d’adapter le marketing, les ventes, et évidemment la création et la conception pour développer le 3D et réaliser la transition vers le tout numérique », poursuit Zoya. Avec la digitalisation totale des collections, certains métiers disparaitront mais d’autres se développeront. Il faudra appréhender une nouvelle façon de travailler. Mais c’est le prix à payer pour s’engager dans une vraie éco-responsabilité.

Plusieurs producteurs de matières, brodeurs pour la plupart, ont sauté le pas. Pour d’autres les discussions sont en cours. Car il y a bien une chose sur laquelle même les geeks les plus pointus butent : le toucher. Aucune modélisation tridimensionnelle ne peut restituer la douceur ou le confort d’une matière. Essentiel en lingerie plus qu’ailleurs. « Le digital est un entonnoir qui permet d’orienter les recherches. Pour l’instant il ne peut être qu’un outil de communication qui peut servir à prospecter pour atteindre une nouvelle clientèle. Tant qu’on n’arrivera pas à analyser la matière et à discerner le toucher et le tombé, le succès de digitalisation restera limité », affirme Bruno Nahan qui n’entrevoit pas de rupture fondamentale dans le textile habillement. Il préfère évoquer des propositions alternatives, réponses à l’urgence climatique et au nécessaire changement de nos habitudes de consommation : « Si l’innovation se concentre sur ces initiatives autour des recyclés, biosourcés, recyclables, alors force est de constater que l’innovation est contradictoire. Elle répond à une demande claire des consommateurs qui attend des propositions moins prédatrices pour la nature et moins nocives pour l’environnement sur un marché, et c’est le paradoxe, qui n’a jamais été aussi bipolaire avec des volumes d’entrée de gamme qui envahissent le marché ».

Pourquoi la génération Z, qui porte en étendard ses engagements écologiques, est-elle la principale sur-consommatrice d’une marque qu’elle devrait pourtant considérer comme une hérésie environnementale ? s’interroge un célèbre hebdomadaire français d’information à propos du géant chinois Shein. Et de conclure à une génération tout juste embarrassée qui n’a pas vraiment d’excuse.