Critère d’achat décisif, la couleur constitue la première interaction entre la cliente et le produit. Son choix nécessite une recherche rigoureuse qui s’ancre dans l’analyse des tendances sociétales autant que dans des connaissances techniques pointues. À l’heure où le bodywear représente un segment de plus en plus important de l’écosystème de la lingerie, sa relation à la couleur est d’autant plus subtile qu’elle intervient à l’intersection de l’intime et du bien-être. Analyse.

La couleur, reflet des tendances socio-culturelles

« La couleur ne vient jamais seule, explique Maï N’Guyen, Creative Director au bureau de tendance Peclers Paris. Derrière il y a tout un langage, un univers qui reflète les envies et les préoccupations sociétales. » Tous les 6 mois, les spécialistes du bureau identifient 46 teintes clés, qui synthétisent une longue recherche au croisement de la sociologie, de la sémiologie et de l’anthropologie. « La signification qu’on met derrière ces couleurs est très importante. Selon sa teinte, le marron évoquera par exemple tantôt la nature, tantôt la gourmandise. » Travaillés par des coloristes experts de la nuance, les cahiers de couleur saisonniers contribuent à définir de nouveaux horizons esthétiques pour les industries créatives, de la mode au design en passant par l’architecture.

Pour Anouk Etienne, Directrice de la couleur chez Décathlon, ce type d’expertise est décisif pour définir les directions créatives des collections. Elle s’en inspire pour nourrir le colorama annuel de la marque, 310 teintes régulièrement mises à jour et affinées selon les besoins spécifiques de chaque sport, et les grandes tendances sociétales qu’ils reflètent. Lorsqu’il s’agit de bodywear, tout est dans l’équilibre entre bien-être, forme et sensualité. « L’association entre matière, couleur et sensorialité est capitale sur ce segment, dit-elle. Il est lié à l’intime, à une recherche de sens et d’émotion, qui doit être précisément retranscrit. »

Une expertise transversale

Pour être au plus proche de ces besoins, la définition des couleurs passe aussi par un savant travail de déclinaison. Décathlon adopte une approche sur mesure : à chaque marché sa gamme, étudiée à la loupe. « On travaille le polyester, mais aussi le polyamide et le coton, explique Cyrielle Colaye, Experte couleurs. Notre rôle est de veiller à ce que le travail de teinture soit fidèle au colorama, moyennant des ajustements techniques, en harmonie avec les différentes matières. » À l’heure où le wellness transforme notre vision du produit et de la couleur, vers plus de souplesse, de pastel et d’harmonie, vêtements et accessoires de sport doivent également entrer en résonance avec un intérieur design et confortable, dans lequel ils deviennent des éléments de décor à part entière.

La question de la carnation

Il existe également un lien de plus en plus étroit entre couleur et géographie. Si leur symbolique a toujours différé d’une région du monde à l’autre, ce facteur se démultiplie à l’heure où les frontières entre bien-être et beauté se font de plus en plus poreuses. « Le bodywear est plus lié à la carnation qu’à la mode, observe Maï N’Guyen. D’où les différentes teintes de nude sur les gammes de lingerie, calquées sur celles des fards et des fonds de teint. » D’un continent et d’une culture à l’autre, les exigences et les sensibilités diffèrent, au rythme de l’évolution de notre rapport à l’intime et à la cosmétique. De nouveaux horizons qui portent plus loin encore le travail de la couleur, vers de nouveaux enjeux au plus proche du rapport à soi.