Chanvre, lin, soie, tout avait bien commencé. Mais aux soieries précieuses, on préfère alors les versions synthétiques, moins chères, moins fragiles. Le lin et le chanvre, dont les fibres résistantes sont pourtant dotées de perfor- mances reconnues, ne résisteront pas à la concurrence des fibres synthé- tiques issues du pétrole. Certes la fin du XXème siècle voit le marché de la lingerie tester les premières fibres naturelles ou d’origine naturelle, à base de café ou de thé, de bambou, d’ortie ou d’orange pour les fibres végétales ; de lait, de poils de lapin ou de peau de poisson pour les fibres animales. Des fibres naturelles et écologiques mais qui, pour la plupart, n’atteignent pas
le stade de l’industrialisation indispensable pour une industrie de la mode gourmande et exigeante.

DENTELLES ET BRODERIES CERTIFIÉES

Devenues indispensables dans le développement de produits textiles durables, les certifications GOTS (Global Organic Textile Standard) et GRS (Global Recycle Standard) se généralisent dans les collections des brodeurs et dentelliers notamment. C’est le cas de Sophie Hallette qui présente une offre renforcée de dentelles en coton et soie GOTS et de dentelles Chantilly en viscose labellisée FSC (Forest Stewardship Council). Meme chose chez le dentellier italien Siva, ou chez le Français Solstiss qui développe des dentelles en coton GOTS depuis quatre ans. Cette certification garantit l’utilisation de procédés de production et de transformation respectueux de l’environnement, l’utilisation de fibres biologiques et l’interdiction d’intrants dangereux mais aussi le respect et l’amélioration des conditions de travail.

LES RECYCLÉS GAGNENT DU TERRAIN

Aussi vertueux qu’il soit, le marché des fibres recyclées a encore du chemin à faire. Au coeur des enjeux environnementaux, le recyclage exige, on le sait, la mise en place de filières adaptées capables de valoriser les textiles usagés en donnant une seconde vie à nos déchets. Dans la jungle du recy- clage, la prudence s’impose. La certification GRS est un gage de confiance pour les confectionneurs. La demande est très marketisée, signale toutefois Zoya Rutskaya Sebek, directrice générale de la transformation chez le dentellier Chanty. Certaines marques de lingerie peuvent opter pour la certification GRS mais d’autres ne le peuvent pas pour des questions d’or- ganisation bureaucratique. Cela reste très compliqué. Chez Chanty, trois personnes travaillent à temps plein sur le sujet.

Le mouvement est néanmoins bien amorcé. Les producteurs sont de plus en plus nombreux à acquérir la labellisation GRS dont le strict cahier des charges garantit le respect des critères environnementaux mais aussi sociaux. C’est le cas du brodeur suisse Embrex ou du dentellier Sakae Lace qui propose désormais une gamme de dentelles en nylon recyclé et polyester, écoproduites et teintes à partir de colorants naturels.
Quels que soient les marchés, mailles tricotées pour la lingerie de jour ou de nuit, tissus pour maillots de bain, accessoires, rubans, coques, les offres recyclées s’élargissent. Avec sa collection Cradle2Cradle, le turc Sanko Textile est bien l’un des porte-drapeaux de l’économie circulaire sur son marché des mailles tricotées. Son voisin d’Istanbul, Antik Dantel, multiplie les efforts et propose désormais de nombreux dessins sur bases stretchs ou rigides en polyamide et polyester recyclés. Wanjiali a bien conscience des préoccupations environnementales de ses clients, sport et lingerie, souligne Franck Abolo, responsable commercial et marketing. Cette année l’accent est donc mis sur une offre accrue de tissus et dentelles en fils recyclés. Coté swimwear, c’est l’Espagnol Estilmar qui montre l’exemple avec sa nouvelle collection Ecowave basée sur quatre piliers : fil recyclé – énergie verte – zéro déchet – impression écologique. Le marché des accessoires – élastiques, rubans, ornements, coques et coussinets – passe au vert également. Les collections affichent la couleur avec des noms évocateurs : Biocare pour le producteur espagnol de rubans Cintas Martell, Art d’Eco pour les bandes élastiques de l’Italien Michele Letizia. Sans oublier la nouvelle collection de coques en polyester recyclé et d’ornements avec boucles en zamac et matières recyclées et recyclables d’Art Martin.

NATURELLEMENT ÉCOLOGIQUES

Bien décidé à mettre au pilori les synthétiques conventionnels au profit des recyclés, le marché de la lingerie découvre enfin des matières naturellement écologiques aussi anciennes que le lin et le chanvre. Notre parti pris est est clair : écoresponsabilité, durabilité et respect de l’environnement à tous les niveaux de notre démarche créative. Moins de dispersion dans les choix, moins d’études de coloris, et moins d’échantillonnages qui finissent dans les poubelles, déclare Marielle Cordenod, chargée de la communication d’AET. Parmi les nouveautés proposées par le fabricant français de mailles : un mélange Tencel/chanvre naturellement fluide, thermorégulant et antibac- térien pour les vetements de nuit et d’intérieur ; un jersey de coton et modal/ bambou/Tencel et élasthanne aussi léger et aérien qu’un voile seconde peau, et un piqué sport biface en bambou/polyester complétant une offre d’articles en coton bio et polyester et polyamide recyclés. Pleinement enga- gé aussi, l’Autrichien Feinjersey décline une collection pratiquement 100% écoresponsable : modal/soie, micromodal C2C, coton organique, polya- mide recyclé, coton et Lyocell Seacell, Micro Tencel mais aussi Microlyocell SmartCell sensitive, PA Meryl hyaluronique, Tencel Eco Clean avec ou sans cachemire, Meryl Skinlife. “Toute la société fonctionne à l’énergie solaire. Le finissage a par ailleurs été totalement renouvelé”, annonce le directeur des ventes Diego Allegrini, fier des deux innovations qu’il présente sur le salon : un fil polyamide sans particule plastique et des nouvelles fibres en chanvre CBD dont les vertus et les performances ne sont plus à prouver.