Colorisation durable : quelles innovations et perspectives pour l’avenir ?
Plusieurs acteurs de la teinture durable étaient réunis sur Interfilière Paris pour échanger autour de cet enjeu majeur.
« On se sent tous très concernés par les produits de beauté qu’on met sur notre peau, et par le fait qu’ils soient le plus naturels possible. On devrait faire de même pour le textile. » Cette réflexion partagée par Patrick Brenac, co-fondateur de l’entreprise de teinture naturelle Green’ing, lors d’une table ronde Interfilière Paris, en dit long sur l’un des plus grands enjeux du textile : réconcilier exigence esthétique et impact écologique. Une problématique décisive en ce qui concerne la teinture, puisque la couleur influence à 60% les choix d’achat des consommateurs. Or, elle est aujourd’hui dominée à 57% par des procédés synthétiques à fort impact écologique.
Vers l’industrialisation des teintures végétales
Issus de plantes, les colorants naturels offrent une alternative durable. « Nous partons de matières renouvelables issues de notre propre culture de plantes bio, dans le sud de la France, extraites sous forme de poudres prêtes à l’emploi. » explique Patrick Brenac. Green’ing utilise également des bi-produits issus de l’agriculture ou de l’agro-industrie, notamment l’extraction d’huiles essentielles, des cultures viticoles et forestières.
Pour Marine Telenczak, associée gérante d’Atelier Pile Couleurs (spécialiste de la teinture sur échantillons, prototypes et petites quantités), optimiser la colorisation repose sur trois paramètres clés : la température de l’eau, le temps de traitement et le pH. « On a aujourd’hui des colorants pour fibres naturelles qui permettent de baisser la température, et donc de réduire l’impact. D’autres permettent de limiter les bains de rinçage, ou ont des affinités avec les fibres synthétiques et permettent donc une montée plus rapide du colorant. »
Atelier Pile Couleurs vise aujourd’hui une semi-industrialisation de la teinture végétale, un challenge de taille qui passe aussi par une approche marketing. « Il faut faire comprendre aux consommateurs que la couleur de leur vêtement sera amenée à évoluer avec le temps. » Pari gagné pour des marques comme Patagonia, qui en ont fait l’une de leurs forces de vente.

La biotechnologie en première ligne
De son côté, la biotechnologie offre des solutions qui mettent le processus technique au cœur de la recherche et du développement. C’est le cas des colorants bio-sourcés d’Ever Dye, travaillés avec des bio-polymères qui permettent une fixation rapide et limitent le lavage. Leur technologie a séduit la marque Adore Me, un premier pas vers un développement à grande échelle. L’entreprise Colorfix travaille quant à elle avec un procédé qui permet d’identifier les pigments naturels et d’en extraire les gènes, pour les faire fermenter et ainsi générer de grandes quantités de ces mêmes pigments. Un processus ultra technique réalisé à basse température, adopté notamment par la marque italienne Albini.
Des perspectives qui semblent parfois presque dystopiques, mais qui deviennent bien réelles grâce à un secteur qui multiplie les initiatives techniques et créatives. Reste à l’industrie de suivre le pas, et aux consommateurs de garder l’esprit ouvert. Designer et spécialiste de la teinture végétale, Aurore Thibout conclut. « Il faut partir des possibilités de couleurs offertes par la nature. Cela questionne notre rapport à la notion de beauté, et ce que nous sommes capables de faire, en tant que société, pour évoluer dans le bon sens. »